La petite Jéricho
Les nuages brumeux quittent la Terre. Ils s'évadent sûrement dans le ciel bagarré d'Israël à Beyrouth. Et puis au loin, la Palestine reste là , face au soleil de plomb, assise en chien de fusil. Les tanks israéliens sculptent les horizons. et les villes barbouillées se confondent aux souvenirs pétris de la terre promise, de la terre battue comme un tombeau à ciel ouvert. C'est l'amertume. Une réponse à la folie des hommes...
Au Sud, un désert.
A l'Ouest, un désert.
A l'Est, un désert.
Au Nord, le dernier désert...
Ici, la mer se retire des terres et ne revient jamais.
Ici, la Terre est à bout de souffle.
Un espoir en fin de course. un sprint. Un caillou.
Une balle perdue. Un caillou contre une balle.
Ici, les balles ne se perdent jamais. Jamais très loin.
De l'autre côté. On ne sait pas bien où.
Ici, il n'y a pas de frontière. Que des gens qui attendent...
Dans la poussière, là -bas, Galaad et ses rocheuses rêveries émerveillent encore les oiseaux. Le vent dans les plaines, éphémère Zéphyr, claque dans les mains du hasard, comme un retour soudain à la réalité. Réalité bien relative. Dans cette triste partie du monde, étrangement, j'en conviens, les peuples meurent dans l'ombre des bombes. Avec éclats pourtant. Avec brillance et décadence. Ils meurent à petit feu. A petits pas de danse. A petits pas de deux. Devant eux, le sourire des médias et la télévision Boum Boum : "Quand votre coeur fait Boum!"
Un Boum de plus, un homme de moins!
Un homme ou une femme, voire un enfant. Ca n'a pas d'yeux une bombe. Elle n'épargne personne. Elle ne font pas dans la dentelle, les bombes.
Ici, une bombe peut en cacher une autre. Triste, triste monde.
Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. Il est encore plus triste, rare, grave. L'heure tourne, ivresse chrono. Souviens-toi. Plus qu'une heure, une heure seulement. Trop tard. Trop tôt. Car aujourd'hui, à Jérusalem, une bombe prépare son artifice. Une bombe surprenante, bondissante, angélique, presque candide, artisanale, enfante terrible, palpitante, désopilante, supraterrestre. Inévitable.
L'heure tourne, compte à rebours de l'amour...
Au loin, Jérusalem, ville sainte. A chaque ville sainte, ses saints et ses matryrs!
Au loin, encore, un check point coupe un quartier en deux. Ici, de toute manière, tout est toujours coupé en deux, en trois, en quatre. La terre comme les gens. La dure lois de la gravité. Ici, il n'y a que des bombes qui sont en orbite... Drôles de planètes.
Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres...
Naïma est belle du haut de ses 21 ans. Un sourire comme on en fait plus et puis l'espoir qui est tout au bout de son ventre gonflé à bloc. Bébé à bord. Elle travaille pour le croissant rouge et sauve des gens. En dépit du bon sens, elle se bat chaque jour que dieu fait, pour aider les siens et les autres.
Mais aujourd'hui, Naïma est fatiguée au terme de ses 9 mois. Alors, ce matin très tôt, elle est partie à l'Est de la ville. Elle a pris le bus numéro 5. Est arrivée à 09.30, place du Kippour. Toute essoufflée, la panse bombée, elle passa tous les contrôles et se mêla à la foule affairée à l'abordage des grands magasins.
Manipulée par de braves gens heureux, comme convenu, elle tira sur son cordon "bombilicale". Naïma grimpa littéralement aux cieux, emportant avec elle les cris des uns, les rires des autres, quelques plumes d'oiseaux, et le souffle du vent quand le désert avance sur ces absurdités...
Le joli mois de Février, à Jérusalem Est, 09.30, le matin.
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