QUAND LES IMAGES DOMINENT LA VIE 

 

 

BUREAU DES SECRETS PUBLICS

 

L’orchestration de la guerre du Golfe fut une démonstration éclatante de ce que les situationnistes ont appelé la société du spectacle.

 

 

La campagne de relations publiques fut aussi importante que la campagne militaire. La manière dont jouerait telle ou telle tactique dans les médias devint une question stratégique majeure. Ce n’était pas très important que les bombardements fussent réellement “chirurgicaux”, pourvu que la couverture, elle, le fût; si les victimes n’apparaissaient pas, c’était comme s’il n’y en avait pas. L’effet "Nintendo" a si bien fonctionné que les généraux euphoriques durent mettre en garde contre un excès d’euphorie générale, de peur d’un retour de flamme. Les interviews de soldats dans le désert ont révélé qu’ils dépendaient comme tout un chacun presque totalement des médias pour savoir ce qui était censé se dérouler. La domination de l’image sur la réalité a été ressentie par tout le monde.

 

Une part importante de la couverture médiatique était consacrée à la couverture de la couverture; dans le spectacle lui-même furent présentés des débats superficiels sur ce nouveau degré atteint par la spectacularisation universelle instantanée et ses effets sur le spectateur.

 

En plus des profits liés au commerce des armes, du contrôle du pétrole, des intrigues du pouvoir international et d’autres facteurs qui ont été si amplement agités qu’il n’est pas nécessaire d’y revenir ici, la guerre fut aussi le terrain de contradictions entre les deux formes élémentaires de la société du spectacle. Dans le spectaculaire diffus les gens se trouvent perdus dans la diversité de spectacles, de marchandises, d’idéologies et de styles concurrents, qui sont offerts à leur consommation. Le spectaculaire diffus provient des sociétés où règne la pseudo-abondance (l’Amérique est le prototype et reste toujours le leader mondial incontesté de la production de spectacles, malgré son déclin par ailleurs); mais il se propage également dans les régions moins développées  —  où il est un des principaux moyens de dominer ces dernières. Le régime de Saddam est un exemple de la forme concurrentielle, le spectaculaire concentré, où les gens sont conditionnés à s’identifier à l’image omniprésente du chef totalitaire, en compensation au fait qu’ils sont privés pratiquement de tout le reste. Cette concentration d’images s’accompagne ordinairement d’une concentration de pouvoir économique, le capitalisme d’État, où c’est l’État qui est devenu l’entreprise capitaliste unique, qui possède tout (la Russie de Staline et la Chine de Mao en sont des exemples classiques); mais elle peut aussi bien être importée dans des économies mixtes du tiers-monde (comme l’Irak de Saddam) ou même, en temps de crise, dans des économies hautement développées (telles que l’Allemagne d’Hitler). Mais dans l’ensemble le spectaculaire concentré n’est qu’un palliatif rudimentaire pour des régions qui ne sont pas encore parvenues à entretenir la panoplie des illusions du spectaculaire diffus, et à la longue il finira par succomber à la forme diffuse, plus flexible (comme ce fut le cas dernièrement en Europe de l’Est et en U.R.S.S.). En même temps, la forme diffuse a tendance à absorber des traits particuliers de la forme concentrée.

 

La guerre du Golfe a bien reflété cette convergence. Le monde clos du spectaculaire concentré de Saddam s’estompa sous les feux universels du spectaculaire diffus, pendant que pour celui-ci la guerre servait à la fois de prétexte et de champ d’expérimentation pour l’introduction de traditionnelles techniques de pouvoir de type “concentré”  —  censure, orchestration du patriotisme, exclusion des points de vue dissidents. Mais les médias sont tellement monopolisés, tellement envahissants et (malgré un semblant de grogne) tellement asservis aux politiques des dirigeants que des méthodes ouvertement répressives furent à peine nécessaires. Les spectateurs, qui pouvaient croire qu’ils exprimaient leur point de vue en toute indépendance, rabâchaient les rengaines et déblatéraient sur les pseudo-questions que les médias leur avaient instillées jour après jour, et comme dans n’importe quel autre sport adapté au spectacle, "soutenaient" fidèlement l’équipe nationale dans le désert, en l’acclamant.

Cette emprise des médias se trouva encore fortifiée par le conditionnement intime des spectateurs. Socialement et psychologiquement réprimés, les gens sont attirés à des spectacles de violences, ce qui permet à leurs frustrations accumulées d’exploser collectivement en orgasmes de vanité et de haine socialement acceptables. Privés de réalisations effectives dans leur travail et dans leurs loisirs, ils participent, par procuration, à des projets militaires qui eux ont des effets bien réels et indéniables. Manquant de communauté authentique, ils frissonnent à l’idée de contribuer à un but commun, ne fût-ce que le combat de quelque ennemi commun, et réagissent avec emportement contre quiconque ose contredire l’image de l’unanimité patriotique. La vie des individus peut bien être un fiasco, la société peut bien se décomposer, toutes les difficultés et les incertitudes sont oubliées un moment dans une espèce d’aplomb que leur procure l’identification avec l’État.

 

La guerre est l’expression de l’État la plus parfaite, et son meilleur garant. De même que le capitalisme doit créer des besoins artificiels pour ses marchandises de plus en plus superflues, l’État doit sans cesse créer d’artificiels conflits d’intérêts nécessitant son intervention violente. Le fait que l’État fournisse accessoirement des "services sociaux" ne fait que camoufler sa nature profonde de protecteur, autrement dit de racketteur. Le résultat de la guerre entre deux États est le même que si chaque État avait fait la guerre à sa propre population  —  qui doit ensuite en payer les frais. La guerre du Golfe fournit à cet égard un exemple particulièrement énorme: plusieurs États s’étaient empressés de vendre des armes pour des milliards de dollars à un autre État, pour ensuite massacrer des centaines de milliers de conscrits et de civils au nom de la neutralisation de son très dangereux et formidable arsenal. Les firmes multinationales qui sont propriétaires de ces États se tiennent maintenant à nouveau prêtes à faire encore plus de milliards en faisant de nouvelles provisions d’armes, et en reconstruisant les pays qu’elles ont ravagés.

 

Quoi qu’il arrive au Proche-Orient dans les suites complexes de la guerre, une chose est déjà certaine: l’objectif central de tous les États constitués ou en gestation, outrepassant leurs intérêts discordants, sera de s’accorder pour écraser ou récupérer tout mouvement populaire réellement radical. Bush et Saddam, Moubarak et Rafsandjani, Shamir et Arafat sont tous complices sur ce point. Le gouvernement américain, qui insistait pieusement sur le fait que sa guerre “n’était pas dirigée contre la population irakienne, mais seulement contre son cruel dictateur”, vient de donner à Saddam un nouveau “feu vert”, cette fois pour massacrer et torturer les Irakiens qui se sont courageusement soulevés contre lui. Certains officiels américains admettent ouvertement qu’ils préfèrent le maintien d’un régime militaro-policier en Irak (avec ou sans Saddam) à n’importe quelle forme d’indépendance démocratique qui pourrait "déstabiliser" la région, autrement dit qui pourrait inspirer aux populations voisines de semblables rébellions contre leurs propres dirigeants.

 

En Amérique, le "succès" de la guerre a détourné l’attention des problèmes sociaux aigus que le système est incapable de résoudre, tout en renforçant le pouvoir des tendances militaristes parmi les dirigeants et la suffisance des spectateurs imbus de patriotisme. Pendant que ceux-ci sont occupés à contempler les éternelles reprises sur la guerre et à exulter aux défilés de la victoire, la question la plus importante reste de savoir ce qui va arriver aux gens qui n’ont pas été dupes du show.

 

Version française de The War and the Spectacle. Traduit de l’américain par Ken Knabb, Jean-François Labrugère et J.-P. Piotaix. Distribution: J.-F. Labrugère, B.P. 144, 38002 Grenoble cedex, France.

Anti-copyright.


 

 

 



 

TRANCHE DE VIE

 

L’Olivier

 

 

Une journée comme les autres commence, il est 6 h00 du matin, je me lève, me lave, bois mon café (je suis en retard…comme d’habitude), je saisis ma mallette et prend le chemin du dépôt. Nous montons dans la camionnette et Hop ! ! ! (Petit coucou aux Binamés et à Marcor), nous rejoignons le lieu du chantier.

 

L’avant-midi passe très vite, il est maintenant midi et à cette heure comme touts les jours, nous allons faire mallette. Une demi-heure, de quoi avaler ses 5 ou 6 tartines et 2 ou 3 pintes qui nous ferons oublier la dureté du travail au moins l’après-midi (comme disent les copains de la CNT : "Le travail est à la vie ce que le pétrole est à la mer").

 

Comme touts les jours, nous passons devant ce fleuriste mais aujourd’hui une plante exposée à l’étal me tape dans l’œil. Je me dis que çà ferait certainement plaisir à ma petite dame et aspire que la journée  se termine pour aller la chercher.

 

Ça y est 16 H 00 (enfin !). Je cours chez le fleuriste car les autres sont pressés de rentrer. Bonjour madame, j’aimerai acheter la plante qui se trouve en vitrine. "Qu’est-ce que c’est ?" "C’est un plant d’Olivier,  me répondit-elle ; c’est le symbole de la paix".

 

Impeccable, la paix, Anar que je suis, c’est bien pour moi ! Elle me l’emballe et me dit : "Çà fera 14,50€, Monsieur".

 

Je paie en me disant que çà coûte quand même cher de ramener la paix dans un ménage.

 

Je rentre et me dépêche d’offrir ce présent à madame qui a l’air ravie.  On le place sur la terrasse, plein sud, comme recommandé sur la petite étiquette.

 

Hier, en regardant la télé, je vois qu’un gars s’est fait péter avec tout les innocents qui se trouvaient autour de lui ; que trois palestiniens sont morts, tombés sous les balles israéliennes ; que les Russes continuent leurs rafles en Tchétchénie ; que les ricains veulent toujours ajouter à leur tableau de chasse la salle gueule à Saddam ; que des vieux se sont fait planter par des gosses de 14 ans pour leurs piquer 50€ ; que G.W.Bush s’est renforcé politiquement et qu’à mon avis çà va bientôt péter. Que Sarkozy, en veut à tout le monde (suivant le modèle de son pote le Busher) du mendiant à la prostituée ; qu’il y a un an, la Sabéna faisait faillite et que un an, jour pour jour après ce drame social "légalisé", Delsey Airlines fait de même ; que la politique est toujours la politique ;  que les flics sont toujours des flics ; que les soldats sont toujours des soldats et que la curaille crache toujours autant ses conneries pour ramollir encore un petit peu plus le cerveau des gens.

 

Pas de justice,  de la répression, des guerres, pas de justice sociale, des riches devenant plus riches, des pauvres devenant plus pauvres, des mendiants que l’on fout au mitard, des prostituées à qui on enlève le pain de la bouche, des vieux qu’on plante pour 50€ et des jeunes qui se tape une O.D. avec ce fric, des sans papiers comme enferment dans des camps qui font plus penser à Auschwitz qu’à une colonie de vacances avant de les expulser, l’exploitation de l’homme par l’homme…

 

Ce matin, en me levant, je regarde par la fenêtre comme touts les jours…l’Olivier est mort. Si le symbole est mort, ma foi en ce monde plus juste, plus humain, empli de fraternité et de vraie justice ; elle ; n’est pas morte !

 

C’est pourquoi je dis : "Politiques (de tout bords), soldats, flics, curailles…, aujourd’hui, foutez-la-moi… cette paix" !

 

Que continue le combat, mon combat, notre combat et que vive l’Anarchie !     

                         

Fraternellement                 

é TOF

c.vanlinthaut@tiscali.be

 

"Les gardiens de la paix, plutôt que de la garder, ils feraient mieux de nous la foutre".

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