UNE ECONOMIE
DU DON
Notes sur les alternatives à l'économie de marché[1]
Il y a beaucoup de choses négatives dans l'économie capitaliste. En tout premier
lieu son inégalité, inhumaine et révoltante. Le capitalisme est mû par
l'exploitation. Sous la garantie de l'état, il gaspille et conduit à une
perpétuelle surproduction dans certaines régions du monde alors que dans
d'autres il organise la pénurie ou la famine. Pour masquer ces réalités, il Le
travail tel qu'on le définit ici comprend toutes les activités qui permettent de
satisfaire des besoins (préparer les repas, laver le linge, transporter les
courses...).évoque des "lois économiques". Ces lois ne reposent sur rien. Ce
sont des mythes. A l'inverse, beaucoup de choses qu'il raille dans d'autres
formes possibles d'économie paraissent, à l'analyse parfaitement réaliste.
Essayons d'en poser quelques grands principes.
MYTHE N° 1 : Nous ne travaillerions pas s'il n'y avait pas d'argent. C'est le
premier grand mythe pour justifier l'oppression capitaliste. Et il ne résiste
pas à la confrontation avec les faits : En Grande Bretagne[2],
60% du travail n'est pas rémunéré. Il est effectué volontairement, bénévolement,
par des parents ou des personnes concernées, des voisins ou autres personnes
"généreuses". Autrement dit, une grande partie de notre société est déjà
organisée autour
de l'économie de don. La seule raison pour laquelle elle ne l'est pas
entièrement réside dans le fait qu'un petit nombre de personnes peuvent
accroître leur capital par l'esclavage salarié des autres. El la seule raison
pour laquelle nous ne sommes pas plus nombreux à être "généreux" et
que nous sommes obligés de travailler comme des brutes pour joindre les deux
bouts, dans une société où on nous apprend à être égoïstes, mesquins et peu
fiables. La nature humaine est partageuse. La société est issue de la
coopération. Notre espèce à survécu parce que nous nous sommes rassemblés.
Et c'est bien grâce à la force de notre instinct de don que notre société est
encore assez coopérative, malgré les efforts du capitalisme pour transformer
toutes les relations humaines en relations commerciales.
MYTHE N° 2 : Si tout était gratuit nous viderions les magasins. Dans une
certaine mesure, l'éducation et la santé (deux biens fondamentaux) , parfois les
transports, sont déjà gratuits depuis longtemps (malgré les efforts acharnés du
capitalisme), ainsi que de nombreux autres services, marchandises, etc. Or, en
général, les gens ne prennent pas ce dont ils n'ont pas besoin. C'est lorsqu'il
y a pénurie que les gens peuvent se conduire égoïstement. Dans une société basée
sur le don, il n'y aura pas de pénurie (si vous voulez savoir pourquoi prenez la
peine de terminer cet article). Aujourd'hui, un des gros problèmes créé par
l'argent c'est qu'on peut le cacher. Donc, personne ne sait ce que possèdent les
autres, et ceci crée un problème de méfiance et développe l'égoïsme. Si l'argent
et les possibilités d'accumulation disparaissent, c'est à l'inverse le sens de
la coopération qui est développé. Débarrassons nous des actions, de
l'accumulation du capital, des primes, et chacun de nous saura où il en est.
MYTHE N° 3 : Le capitalisme est bien organisé: La demande dirige la production.
"Le client est roi". En tant que consommateurs, nous sommes censés diriger
l'économie en "exigeant" en quelque sorte les produits que nous voulons.
Ensuite, nous les fournissons en tant que travailleurs-producteurs. Entre
parenthèses, un sous-mythe veut que l'économie soit composée de consommateurs et
de producteurs. En fait, nous sommes les deux en même temps et les deux
groupes économiques vraiment distincts sont les masses populaires d'une part et
les
quelques décideurs - patrons qui en tirent profit de l'autre. Dans les faits,
les patrons planifient la production pour faire des profits et seulement
profits, pas pour satisfaire les besoins des gens. Ils
provoquent la demande par le marketing, les techniques publicitaires, ... La
production
est hautement planifiée. Ils ne pourraient pas se permettre d'installer une
chaîne de montage moderne, de mettre des marchandises sur le marché pour
découvrir que personne n'en veut. Donc, ils planifient la production après avoir
créé la demande.
MYTHE N° 4 : L'argent fait le bonheur. L'argent fait le bonheur, puisqu'il
concentre les ressources et la richesse dans peu de mains. Si le capitalisme
était conçu pour satisfaire les
besoins ou créer du bonheur, alors, ceux qui planifient la production
choisiraient
de produire pour ceux dont les besoins de base ne sont pas satisfait. Au lieu de
quoi, le système centré sur la profit s'assure qu'il ne fabrique des
marchandises que pour ceux qui peuvent les payer et dont les besoins de base
sont déjà satisfait. Hormis le fait que ces riches sont dévorés de
culpabilité (ou devraient l'être), il est évident qu'un enfant de cinq ans peut
comprendre qu'un système basé sur le profit, et non sur les besoins n'est pas
une économie juste.
Après avoir vu quelques uns des grands mythes qui soutiennent le capitalisme, il
est possible d'envisager, dans les grandes lignes, les principes sur lesquels
pourrait reposer une économie du don.
PRINCIPE N° 1 : Économie fédérale Les communautés locales et les fédérations de
communautés seront autonomes en ce qui concerne les formes d'échange utilisée,
en vert d'autres
principes de base de l'anarcho-syndicalisme que nous allons évoquer. Il n'y aura
pas
d'état.
PRINCIPE N° 2 : Éviter les écueils du capitalisme Il n'existera ni mécanisme de
profit, ni possibilité de concentration du capital et de la richesse. En
d'autres termes, personne ne possédera ou n'emploiera d'autres personnes. Toutes
les marchandises et les services seront fournis selon les besoins, et les gros
tas d'argent deviendront des gros tas de métal et de papier, sans aucune
utilité.
PRINCIPE N° 3 : La démocratie Ici encore, il faut déjouer les mythes et les
utilisation frauduleuses du mot. La démocratie signifie que toutes les
organisation et les
communautés doivent être dirigées collectivement et contrôlées grâce à la
démocratie directe. En démocratie directe, on commence par des assemblée
générales. Au travail, tout le monde y est invité et participe également. Au
niveau de la rue, du village ou du quartier, c'est la même chose. Quand les
entreprises ont besoin de communiquer, par exemple pour planifier leur
production, pour l'utilisation des ressources... ou quand les communautés ont
besoin de coordination, chaque assemblée générale peut désigner des délégués,
des personnes mandatées et révocables à tout moments. En d'autres termes, les
délégués ne doivent agir que dans le cadre précis défini par l'assemblée
générale et cette dernière peut toujours les révoquer.
PRINCIPE N° 4 : Remettre la propriété à sa place. La possession d'un bien
signifie le droit d'en priver les autres et d'en tirer profit ( puisque, même si
vous n'en avez pas besoin, vous continuerez à en exiger le loyer, les
intérêts... auprès de ceux qui en ont besoin). Au risque de dénaturer la
rhétorique, pourquoi une économie du don ferait elle cela? Bien sûr, nous aurons
tous droit à notre propre espace vital, possessions personnelles et
quotidiennes, etc. Les maisons communautaires conviendront à certains, mais
d'autres préférerons un logement individuel. Et pourquoi pas ?
PRINCIPE N° 5 : L'autre face de la propriété: Le travail Tout travail sera
volontaire et gratuit. Au même titre que l'économie du don ne peut pas
moralement se permettre l'exploitation basée sur la propriété, elle ne peut pas
se permettre d'exploiter les gens ( comme c'est le cas
dans le travail salarié). Et si les gens refusaient de travailler? Alors, ils
auraient un grief. C'est une question de motivation. A condition que ces griefs
puissent se résoudre sur le lieu de travail les gens travailleront. Même le
travail peu gratifiant - ces tâches nécessaires à la vie en
société que personne ne veut effectuer - ce fait déjà sans rémunération et
quotidiennement comme nous venons de le démontrer. Si personne n'a organisé le
nettoyage des égouts la communauté organisera des rotations etc. Il n'y a pas
besoin de sortir de Polytechnique.
PRINCIPE N° 6 : La planification Savoir ce qui plaît aux gens, ce dont ils ont
besoin aidera les
travailleurs à s'organiser pour fabriquer des objets de meilleure qualité et en
quantité
raisonnable. Il y a de multiples techniques pour recueillir cette information
(questionnaires...). entreront également en compte les estimations de
ressources, de main d'œuvre et les critères écologiques pour la recherche et la
mise sur pied de nouveaux systèmes de production et de
nouveaux produits, pour améliorer l'efficacité ainsi que la durabilité et la
qualité des produits. Ceci est à l'opposé de la planification centralisée en
Union Soviétique où tout était régi par le ,comité central de Moscou et où tout
le monde devait exécuter les ordres. Remarquons qu'outre les problèmes
d'évaluation de le demande et la mauvaise gestion, l'union soviétique s'est
écroulée à cause des priorités imbéciles de l'état qui ignorait les besoins de
base: le pays possédait un arsenal nucléaire mais pas de nourriture.
EN GUISE DE CONCLUSION
A partir des principes, la forme de base de notre économie de don est assez
lisible. Une grande partie de notre économie sera plus efficace à l'échelon
local (planification locale pour une production et une consommation locales). La
planification régionale ou globale sera réservée au modes de production plus
complexes dans des unités de production plus importantes, pour résoudre les
problèmes de taille des unités de production, d'utilisation rationnelle des
ressources et de localisation. L'intégration inter-régionale pourrait se faire
sur base de don, de troc ou d'échange.
Au niveau du fonctionnement, l'économie du don sera aussi simple que possible.
Pourquoi trimbaler des laitues d'un bout du monde à l'autre en modifiant le
climat et en augmentant les prix? Le véritable choix c'est d'avoir une
connaissance totale des produits proposés, de leur utilité, de leur durabilité,
de leur qualité etc. Actuellement; on a le choix entre "pas cher mais sans
intérêt" ou "d'assez bonne qualité mais trop cher pour moi".
Nous pouvons d'entrée éliminer le premier choix. Quand on peut choisir entre une
centaine d'ordinateurs différents, combien de gens savent réellement lequel est
le meilleur? Seuls les producteurs le savent. Alors, pourquoi ne pas produire
seulement les meilleurs? A petite échelle, locale si possible, selon les besoins
et non pas pour le profit, l'un dans l'autre, l'économie
de don sera aussi efficace que saine. Elle sera gérée localement par la
démocratie directe, dans une logique éthique et sera très différente selon les
communautés et les régions, dans les limites des principes de base.
Le secret est dans ses origines. Commençons par le principe de bas de la
solidarité au lieu de l'accumulation maniaque des richesses et de la puissance.
Le mot de la fin est qu'il n'y a pas de point final pour l'économie de don. Ce
n'est pas une sorte d'utopie lointaine, statique, étatiquement stable et
ennuyeuse. Il faudra s'en occuper sans cesse, discerner les nouveaux besoins,
les nouveaux problèmes et les nouvelles opportunités; elle ne fonctionnera
jamais parfaitement. Mais soyons honnête, tout ce qui ressemble peu ou prou à
l'économie de don et forcément meilleur que nos rapports de force quotidiens,
les morts, les guerres, la spirale de destruction mondiale agencée par le
capitalisme et l'état. En tout cas, le débat est ouvert. A vos plumes.
Un seul détenu en liberté conditionnelle faute et c'est le système même de la liberté conditionnelle qui est remis en cause. Or, si les exemples de (grands) capitalistes ayant fauté (abus de biens sociaux, comptabilité frauduleuse, pots de vin, infractions fiscales, pollutions industrielles, escroqueries, cavalerie, initiation boursière….) son nombreux, les pourfendeurs de la liberté conditionnelle ne remettent pas pour autant le capitalisme en cause !
Certains s'imaginent que la justice est de plus en plus en à deux vitesses. C'est faux. Il n'y a qu'une seule et même justice ; seule son application diffère selon que l'on est nanti ou exclu, faible ou puissant, selon qu'elle est pour certain(e)s ou contre d'autres. Ainsi, l'impunité zéro s'applique de deux manières : la tolérance absolue pour certain(e)s et l'intolérance absolue contre d'autres !
Nous voici donc revenus au bon vieux temps des libertés féodales qui n'étaient jamais que des franchises accordées à certain(e)s et refusé(e)s à d'autres, ceux-celles de la servitude, de la taille, de la corvée…
Comment peut-on s'imaginer qu'un système fondé sur l'inégalité, l'iniquité puisse s'amender : il peut, au mieux, s'améliorer en augmentant le nombre et la portée des franchises, autrement dit en assouplissant, en humanisant la servitude, en donnant un peu plus de mou à la laisse mais il ne peut pas se réformer au sens de devenir son contraire, sauf à… se détruire lui-même. Mais il peut aussi… régresser et, au plan des seules libertés des personnes, tant individuelles que collectives, c'est bien à une régression à laquelle nous assistons. Une régression qui ne fait que commencer : le pire est donc à venir. Sauf si…