POURQUOI JE SUIS ATHÉE
La manifestation religieuse de la croyance en Dieu
De même que nous pouvons juger un arbre à ses fruits, les religions ne peuvent être que le reflet de l'idée même de Dieu. Évidemment, les Églises seraient devenues humaines, et par conséquent leurs prêtres sont aussi des pécheurs (quoique la dénonciation vienne d'abord de l'extérieur comme dans les nombreux cas de pédophilie homosexuelle qui ne sont pas uniquement le fait de l'Église catholique). Mais les Églises n'admettront jamais se tromper sur des sujets remettant en question les fondements mêmes des dizaines de théologies opposées qu'elles défendent, et qui sont toutes prétendument vraies.
Or, les conséquences des croyances religieuses sont désastreuses. On ne me fera pas accroire que le bilan de la religion a été positif pour l'humanité. Il y a des éléments positifs mais le bilan est négatif. La religion a empêché l'humanité de voir clair, de penser rationnellement, de trouver des solutions aux problèmes autres que celles sorties, par exemple, de la Bible ou du Coran ou de tous les livres que l'on peut citer mécaniquement pour appuyer une thèse. Elle a réduit les femmes à la procréation, quand elles n'étaient pas brûlées comme sorcières ou aujourd'hui encore, lapidées ou violées collectivement (cela s'est produit récemment au Pakistan); elle nous a enseigné que le doute est un péché; elle a réduit la connaissance à celle des enseignements des Églises; tout ce qu'elle a fait, c'était à contre-courant du développement des connaissances; quand elle s'occupe d'enseignement de matières profanes c'est avant tout dans le but de contrôler les esprits; encore aujourd'hui, elle se pose comme la réponse à toutes les inquiétudes, alors qu'elle n'a réellement aucune réponse à rien. L'humanité a payé chèrement l'obscurantisme sous toutes ses formes. Et pourtant, la leçon ne semble pas avoir été apprise.
Mon principal argument contre la religion (il y en a plusieurs mais ils se résument tous à celui-ci) est qu'elle est fondée sur une théorie de la connaissance où l'idée est considérée comme vraie du simple fait qu'on puisse l'affirmer (bien sûr, leurs vérités auraient été «révélées» mais cela revient au même), par opposition à la connaissance scientifique qui est fondée sur l'observation, l'expérimentation, et qui est accompagnée de cet esprit critique essentiel au développement de la connaissance et qui permet de rester ouvert à tout ce qui pourrait contredire nos conceptions acquises et socialement acceptées. Les théologiens raisonnent, si on peut dire, mais en se servant uniquement d'une logique sui generis qui sert à démontrer que les dogmes se tiennent entre eux... alors que leur raison d'être, pour ce qui est par exemple du christianisme, qui est Jésus (d'un mot latin) ou le Christ (d'un mot grec), n'a même pas pu être établie exactement en tant que personnage historique.
Ce n'est donc pas un hasard si les religions ont constamment été en lutte contre la connaissance scientifique. Encore aujourd'hui, aux États-Unis en particulier, on assiste à une polémique entre créationnistes d'une part, et évolutionnistes d'autre part, près de 150 ans après la publication de l'ouvrage principal de Darwin sur l'origine des espèces. Les dogmes et les préjugés sont tenaces.
Mon second argument, qui découle indirectement du premier, est que les religions, malgré leurs prétentions de gardiennes des bonnes mœurs et de la morale (et par conséquent du ... salut des âmes), comme promoteurs de l'amour du prochain et de la charité, sont foncièrement immorales. Ce qu'il y a de bien dans la religion a été emprunté à la morale naturelle, à ces règles de comportement que les animaux d'une même espèce respectent mieux que plusieurs humains. Combien de crimes ont été ou sont commis par cette morale figée, rapetissée, obsédée par le sexe, appliquée sans discernement, dans la déraison? Quand les religions ne bénéficient pas du bras de l'État elles continuent à damner ceux qui s'opposent à elles. Combien de «saints», qu'elles n'ont jamais ... canonisés, ont-elles torturés et massacrés au nom de Dieu et de la foi au cours des guerres de religion ou par le bras de l'Inquisition? Si le nazisme et le communisme, deux idéologies totalitaires qui ont en commun avec la religion une foi absolue, ont été reconnus coupables de crimes contre l'humanité pourquoi les religions s'en tirent-elles à si bon compte? C'est sans doute que la foi rend aveugle vis-à-vis tout ce qui contredit la foi et que nous en sommes encore à une longue période de préhistoire, même si l'anthropologie situe la préhistoire à une autre époque.
Distinguons la foi de la majorité des croyants de celle défendue par les institutions religieuses. La majorité des croyants professent une religion par coutume et pour satisfaire un certain besoin d'appartenance à un groupe; on ne peut ipso facto les taxer d'intolérance systémique bien que l'on observe généralement chez eux une absence d'esprit critique et une crédulité endémique, du moins face à l'idéologie religieuse. Cette crédulité est plutôt inoffensive quand elle ne conduit pas à une négation de la liberté d'expression et à celle de choisir autre chose que la religion. Toute autre est l'attitude des institutions religieuses, en particulier le catholicisme (et en général le christianisme), l'islam, le judaïsme et l'hindouisme; elles recherchent constamment l'appui de la loi, donc de l'État, afin d'imposer leur pouvoir sur les consciences.
Je crois que ces deux arguments suffisent pour que l'on mette à l'écart toutes les religions, qu'elles soient fondées sur l'adoration de Dieu ou l'adoration de l'État, de la nation, de la race, etc. Les religions sont au mieux des mythologies qu'il ne faut prendre au sérieux que parce que leurs adeptes se prennent souvent au sérieux et qu'ils continuent en certains pays à tuer au nom du Dieu qu'ils adorent, comme certains dieux exigeaient il y a des siècles des sacrifices humains. Je sais que ces propos peuvent attirer de multiples objections ... religieuses, mais je vous avertis à l'avance que mon discours ne se situe pas au niveau de la métaphysique et de celui des idées intuitives; si on entend me démontrer la vérité de la foi religieuse, par exemple, par la beauté des cathédrales et des mosquées, ou par les peintures ornant la chapelle Sixtine (qui ont sans doute surpassé l' «art» spartiate du nazisme et du communisme), ou par le fait que plusieurs brillants esprits et même des scientifiques y croient, c'est qu'on est à court d'arguments. La preuve du nombre n'a jamais été qu'une observation statistique.
L'idée de Dieu
Avant de devenir un Dieu unique, les hommes ont adoré à peu près tout ce qui leur était incompréhensible, le feu par exemple. De plus, l'idée de Dieu est indissociable de celle du Diable, une dualité qui est le fondement de la foi religieuse. Comme quoi la foi est mue par une certaine dialectique, Dieu ne détenant sa vérité que par son combat contre le Diable. Si je suis athée, je suis donc ipso facto ... a-Diable. Mais passons. Donc, loin de nous la création du monde selon la Genèse, la conception centriste de l'univers (selon laquelle la planète terre était plate et le soleil et les étoiles tournaient autour de la terre), le péché originel, les anges, l'enfer et le ciel et la démonstration thomiste de l'existence de Dieu (Thomas d'Aquin avait été chargé par un pape de réconcilier les dogmes chrétiens à la philosophie d'Aristote; rappelons que c'est grâce aux Arabes si nous avons connaissance des œuvres d'Aristote, traduites de l'arabe, l'Église ayant détruit la plupart des livres de l'Antiquité). Même le «Big Bang», récupéré par les théologiens, ne réussit plus à démontrer l'existence d'un créateur car l'astrophysique a trouvé ... des «trous noirs» (il y en aurait un au centre de chaque galaxie, y compris la Voie Lactée) et ces trous noirs, explosant en supernova, seraient à l'origine des «Big Bang». L'astronomie nous a sûrement mieux fait connaître le ciel que les théologiens; qui peut encore en douter? Et nous n'avons pas terminé d'en connaître davantage!
Ceci veut dire que nous pensons... Cela implique-t-il que nous avons une «âme», cette entité indépendante du corps? Il m'apparaît farfelu de concevoir l'esprit comme étant dissociable du cerveau d'autant plus que plusieurs, malheureusement, ont un cerveau mais pas ou peu d'esprit. Même si l'idée de Dieu est devenue plus sophistiquée avec le temps (grâce au progrès des connaissances...) sa démonstration revient toujours au point de départ de l'idéologie religieuse: la foi; et pour avoir la foi, il faudrait avoir cette
«grâce» qui nous permettrait, dit-on, d'entrevoir le divin. Cette démarche s'inscrit sans doute dans une réflexion sur ce que nous sommes, d'où nous venons, pourquoi nous existons, pourquoi la mort, pourquoi la souffrance, la méchanceté, etc. Mais elle est fondamentalement irrationnelle et ne conduit à rien d'autre qu'à une évacuation des vraies réponses à toutes ces interrogations légitimes.
Face à nos interrogations sur l'existence il y a trois possibilités. L'une s'ouvre sur l' «expérimentation» mystique et sur une vie intérieure imaginaire, totalement intuitive, déconnectée du monde réel (c'est-à-dire que le monde que l'on s'imagine «en soi» est considéré comme une réalité), à la limite indépendante des religions (ce déisme a-religieux explique néanmoins la naissance et l'évolution des religions). C'est l'option défendue entre autres par le philosophe catholique Henri Bergson (1859-1941) qui pensait ainsi démontrer la rationalité (intuitive) de l'idée de Dieu bien qu'il ait été réprimandé par l'Église. Pour un psychiatre, ce déisme peut servir à expliquer certains phénomènes psychiques, comme les apparitions, les voix, les hallucinations, les visions.
La deuxième option qui s'offre à nous est celle du réalisme qui nous oblige à voir stoïquement les choses telles qu'elles sont et à s'efforcer dans la mesure du possible d'améliorer notre condition. La vie est ce qu'elle est et il n'est nul besoin ontologique et téléologique qu'elle se cherche une raison d'être autre qu'elle-même. La vie est sans doute le résultat d'un immense chaos qui s'ordonne de lui-même, mais si c'est la réalité, il vaut mieux ... s'ordonner en conséquence au lieu d'invoquer les dieux. C'est l'option athée.
Pourquoi y a-t-il si peu de gens se déclarant ouvertement athées? Probablement parce qu'ils sont ... peu nombreux et que la plupart des non-pratiquants d'une religion ne se préoccupent guère des questions philosophiques et ne poursuivent pas leur questionnement jusqu'à ses conclusions logiques. Mais il y a une autre raison, à mon avis plus déterminante: c'est que l'athéisme n'offre pas de chimères, de faux espoirs, de paradis après la mort, d'une promesse de survie entouré de jeunes vierges, d'un «concert» de chérubins et de séraphins, etc. L'athéisme est exigeant puisqu'il oblige à se confronter à la réalité. Cette réalité, c'est que nous devons agir en êtres responsables puisqu'il n'y a pas de Dieu à invoquer dans le malheur et que nous ne pouvons non plus l'accuser de tous nos maux (comme le font certains croyants), puisqu'il n'existe pas.
«Yvon Dionne