APRES LE BUG DE L'AN 2000…

L'économie n'est pas encore une science.

Actuellement, elle carbure à la confiance, une sorte de poudre de perlimpinpin, impalpable et volatile.

 

 


 

L'économie porte le voile de l'obscurantisme. C'est pourquoi elle est étroitement encadrée par de fins psychologues, par les gourous des banques et par des prophètes financiers dont le métier est d'abord de convaincre par des formules mathématiques incompréhensibles puis de plumer la volaille prise dans leurs discours.

 

Si ces marchands d'illusions possédaient la martingale dont ils prétendent détenir le secret ou la clairvoyance dont ils se vantent, ils les garderaient pour eux et feraient fortune au casino de la bourse sans s'épuiser à ruiner leurs dupes.


En 1999, les augures annonçaient le plantage de la plupart des systèmes informatiques victimes d'un bug terrible : un problème de date catastrophique.

 

La mémoire des premiers ordinateurs était très petite. Pour gagner de la place, les informaticiens d'alors avaient souvent limité le codage des années sur les deux derniers chiffres en négligeant les deux premiers. C'est ainsi que 00 représentait 1900 et que l'an 2000 tout proche, dont le millésime se terminait par le même 00, allait provoquer une collision cataclysmique.

 

Les médias, tous supports confondus, ont consacré des tonnes de papier et des hectolitres de salive à décrire les horreurs de l'apocalypse annoncée. Les nouveaux millénaristes frappaient déjà aux portes des cathédrales financières et assiégèrent bientôt les temples de l'argent.

 

La meute des start-ups informatiques s'est aussitôt jetée sur cette proie sans défense, offrant ses services à la ronde pour juguler le péril et garantir un passage au nouveau millénaire sans douleur mais moyennant évidemment des honoraires en proportion de l'inquiétude et des moyens du pigeon.

 

La plupart des grandes entreprises de la planète ont consacré des milliards de dollars, d'euros et beaucoup d'autres devises à la modification de leurs logiciels avec l'espoir d'échapper ainsi à un danger mortel.

 

Beaucoup d'entreprises de moindre importance ont suivi l'exemple de leurs aînées et alloué des budgets fabuleux au même problème.  Pour les nouvelles start-ups, le résultat immédiat fut un bond de plusieurs fois leur cours sur les Bourses des valeurs. Elle engrangèrent les milliards à la pelle et le public se disputa leurs actions à tout prix.


Vint l'an 2000. Aucune catastrophe ne se produisit. Les entrepreneurs se congratulèrent et se félicitèrent de leur sagesse. Ils étaient passés à travers le bug sans coup férir. Mais, on s'aperçut bientôt que, souvent par manque de moyen mais aussi par ignorance ou désinvolture, de nombreuses entreprises, qui avaient négligé d'investir dans la correction du bug, continuaient d'utiliser leurs logiciels sans aucune conséquence dommageable. Le doute s'insinua dans les esprits. Les sommes colossales englouties par le bug avaient-elles été dépensées à bon escient? Les conseils d'administration commençaient à s'agiter ; les actionnaires interrogeaient les gestionnaires ; l'inquiétude se changeait en mécontentement. Vers le milieu de l'année, le doute n'était plus permis. Le fameux bug de l'an 2000 ressemblait plus à un canular ou à une farce qu'au séisme du millénaire. La confiance s'effondra et la bourse avec elle.


Du sommet des graphiques où elles planaient jusqu'alors, les start-ups piquèrent du nez et s'écrasèrent en pagaille, perdant quatre-vingts pour cent de leur valeur, entraînant d'abord leurs consoeurs puis les secteurs informatiques, des communications et de la haute technologie, débâcle d'autant plus rapide et générale que les ténors s'étaient endettés jusqu'aux yeux pour, dans l'euphorie du moment, acheter des concurrents et surtout acquérir les fameuses licences UMTS. Le doute avait remplacé la confiance et la crise succédait à la croissance.


L'avenir du monde, disait-on, passait par l'électronique, l'informatique, les puces et les fibres optiques. Ces technologies du futur, où tout se mesure en ängtroms, allaient modeler les relations humaines, pacifier les sociétés, créer l'abondance et ramener l'âge d'or. Mais brusquement, le rêve technologique s'est effacé à la vitesse de la lumière qu'il prétendait domestiquer. La mélodie de la confiance a cédé la place à la cacophonie de la méfiance qui, contagieuse comme la grippe, s'est propagée à toute l'économie et la face du monde s'est obscurcie : la récession frappait le capital au coeur.


Les investisseurs angoissés cherchaient et trouvaient des raisons d'affolement. Elles ne manquaient pas : les escroqueries d'Enron, les annonces fallacieuses, les inculpations de dirigeants d'entreprises, les suicides et emprisonnements, les manipulations comptables ; la suspicion alimentait la crainte. La bulle financière s'était dégonflée.


Aujourd'hui, et contrairement aux affirmations des spécialistes, le marché n'attend pas le reprise de la croissance mais le retour de la confiance dans la technologie qui a beaucoup à se faire pardonner.


Le bug de l'an 2000 n'était pas un problème de date, mais un abus de confiance.

« Charly

Charly.eloi@belgacom.net

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