La
Palestine est le plus grand « centre fermé » de notre planète.
Un centre fermé qui dénie à tout un peuple le droit à la terre. De la même
façon que les états de la gouvernance impériale refusent tous les droits
aux réfugiés qui fuient la catastrophe néolibérale, l'état israélien
refuse aux prisonniers des bantoustans palestiniens la possibilité de
disposer de leur terre et les transforme tous en réfugiés ou en prisonniers
de guerre. Dans ces conditions, ils peuvent être expulsés ou tués à tout
moment par un pouvoir que ne reconnaît pas leur droit à la vie et à la
terre. Ils peuvent juste survivre en tant que main d'œuvre corvéable par l'économie
israélienne alors qu'il leur est interdit de maintenir et de développer leur
propre économie.
1.
La division de la Palestine en un confetti de petits bantoustans
permet au pouvoir israélien de transformer la vie des Palestiniens en vie nue :
une vie sans économie, sans véritable politique, sans aucune des caractéristiques
d'une Cité humaine.
2.
La main d'œuvre carcérale palestinienne est cependant
indispensable à l'économie coloniale israélienne : la preuve, Israël
doit accepter des travailleurs palestiniens, même si parfois leur désespoir
les fait exploser. Les explosions de travailleurs font partie des coûts de
transaction d'une économie sauvage qui doit maintenir en Palestine un état
permanent de non droit pour pouvoir disposer de la force de travail qui lui est
nécessaire.
3.
Israël est la métaphore de l'Empire global : un pouvoir qui
impose la guerre permanente comme moyen de déstabiliser les populations pour
mieux pouvoir les exploiter. La guerre n'est pas un accident de parcours du
capitalisme. Si Jaurès avait pu dire en 1914 que « le capitalisme porte
en lui la guerre comme la nuée porte l'orage », aujourd'hui l'orage est
constant et ne peut ne pas l'être. Le capitalisme actuel a besoin à la fois
de la totalité de la vie des individus, de leur intelligence, de leur
sociabilité, de leurs affects et de la plus complète soumission de ces mêmes
individus. Il faut au capitalisme notre vie et notre liberté et SIMULTANEMENT
notre oppression et notre exploitation.
4.
Ce paradoxe conduit à la guerre permanente qui est une guerre de
destruction du tissu social et de l'autonomie du social. Comme un vampire
qui devrait maintenir en vie sa proie pour pouvoir se nourrir de son sang, le capitalisme
globalisé maintient et promeut notre vie à tous, tout en la maintenant
dans les limites strictes de sa gouvernance. Toute tentative d'autodétermination
est sévèrement réprimée et le pouvoir qui garde la vie, devient sans
solution de continuité bourreau et tortionnaire. La guerre permanente est ce
moment de contrôle absolu, qui fait de la gouvernance néolibérale un pouvoir
d'exception. Le droit, les valeurs humanitaires, la liberté sont proclamés
haut et fort par le pouvoir, ce qui ne le prive pas d'exercer la violence la
plus débridée et meurtrière au nom des ces mêmes valeurs.
5.
Nous sommes tous Palestiniens. Nous sommes tous des membres d'une
société qui cherche sa terre et son autodétermination face à un capitalisme
qui, tout en ayant besoin de nous, ne peut que nous les refuser. Cela n'a rien
avoir avec un nationalisme, quoique des idéologies nationalistes résiduelles
soient encore présentes dans les luttes. Nous sommes tous à l'intérieur
d'un système qui n'a pas d'extérieur, parce qu'il n'a pas de limites. C'est un
système fragile où les travailleurs potentiellement explosifs sont aussi
indispensables qu'insupportables. Cette maladie essentielle qu'est le
terrorisme n'est nulle part mieux visible que dans ces terribles explosions.
6.
Mais à l'intérieur, il y a aussi et surtout la vie, l'amour,
l'intelligence, tout ce qui ne peut se transcrire en termes de capital et dont
le capital a cependant essentiellement besoin. Pour libérer ce potentiel, pour
nous libérer, nous nous devons de refuser la guerre et de déserter la logique
meurtrière du capital. C'est ce que font avec un courage qui n'a pas le
moindre reflet dans les média impériaux quelques centaines de frères et sœurs
qui sont maintenant en Palestine pour y défendre la vie, notre vie à tous, en
défendant le peuple palestinien. Ils dénoncent ainsi le langage hypocrite de
nos vampires et placent ce système devant sa contradiction la plus flagrante.
7.
La « diplomatie par le bas » reconstitue le tissu
social détruit par la guerre et l'économie capitaliste. Elle le reconstitue
contre les états et les armées, en appelant à une démocratie sans limites
face à la rhétorique impuissante des droits de l'homme. Le courage de placer
son corps devant les chars de l'occupant, de dénoncer les meurtres, d'exiger
que les blessés soient soignés et que la dignité des personnes soit respectée,
s'oppose au racisme monstrueux de la « démocratie » coloniale
israélienne, pour qui nos frères et sœurs de Palestine sont de la vermine à
exterminer. Le discours raciste, distingue entre les « occidentaux »
et les « musulmans », mais aussi entre les citoyens paisibles et le
black block ou l'entourage diffus du terrorisme. Il n'a rien à voir avec les
« races » biologiques, mais avec le droit de tuer. C'est le seul
discours qui permette à un régime qui dit promouvoir la vie et les valeurs
humanitaires de s'imposer comme souverain et, par conséquent, d'ôter cette vie
même dont il tire sa légitimité politique et son profit économique.
8.
La présence en Palestine en ces mois de mars et d'avril 2002 des
internationaux du mouvement représente un véritable tournant dans la
politique mondiale. Non seulement la brutalité de l'Empire et de son satellite
israélien se trouve dénoncée, mais un nouveau réseau militant peut commencer
à se développer en Palestine/Israël où nos sœurs et frères arabes et juifs
pourront s'unir pour déserter la guerre de l'Empire. La vie, l'amour, le
rire, même dans les camps où on veut nous vouer à la mort auront raison,
comme dans le film « La vie est belle » de notre ami Benigni, d'un
Empire laid et méchant (brutto cattivo).
«
John Brown