Après
six mois, échec du golpe ?
Six mois après l’attentat du 11 Septembre, ou en est la tentative de putsch planétaire ? Certains éléments permettent de penser que ce coup d’état mondial est sur la voie de l’échec.
Au
niveau des opérations militaires ,la prévisible chute du régime Taliban n’a
été pas été accompagnée pour le moment
de l’élimination des éléments impliqués dans les attentats.
L’Afghanistan est sombré dans un semi-chaos généralisé, le moyen-age du
brigandage et des seigneuries a simplement remplacé le moyen-age religieux..
Tout ce que l’on sait c’est que les armées blanches occidentales sont
destinées à rester un certain temps dans la région, le, ou plutôt les,
nouveaux pouvoirs fantoches mis en place n’ayant de toutes façons pas les
moyens, à supposer qu’ils en aient la volonté, d’éradiquer , ni même de
contrôler, les poches mouvantes de guérilla qui vont continuer à œuvrer sur
bonne partie du territoire afghan. Avant
l’Afghanistan , tout comme avant l’Irak, quelques excités peu au fait des réalités
militaires voyaient déjà un nouveau Dien Bien Phu, et bien non, il faut s’y
faire, l’accepter : la supériorité militaire de l’Occident est totale
et n’a fait qu’augmenter au lieu de décroître. Ce n’est pas, sur les
terrains militaires qu’il y a de “ l’espoir ”, il n’y en a
d’ailleurs jamais vraiment eu.
De
quelle réussite parler ? Bombarder au tapis des paysans est autant une “ réussite ”
que l’est un adulte qui tabasse un enfant de 5 ans. Même la on voit des
preuves de faiblesse de nos putschistes ; la crainte, justifiée, des
cercueils, les gadgets qui laissent échapper les turbans, l’isolement sur le
terrain, les mauvaises volontés des “ partenaires ”.
Le
schéma type des opérations occidentale de type post-colonial a été suivi à
la lettre, un gouvernement franchisé à été mis en place, une solide coopération
militaire s’est accompagnée d’un arrosage financier ciblé, les
orientations politiques et économiques des lieux provisoirement fixées, toutes
les cautions morales apportées . Et la aussi on peut parler d’échec en ce
que précisément le caractère colonialiste de l’opération échappe de moins
en moins aux observateurs. Le prétexte de la lutte “ contre la terreur ”
n’a en réalité fonctionné, et encore pas pour tout le monde, que pendant la
mise en route du projet post-colonial et la manipulation va s’arrêter au
frontières de l’Afghanistan. Car le grand dessin, très officiel, bien que
volontairement exagéré, c’était d’opérer un nettoyage échelonné dans
le temps et reparti sur un certain nombre de pays dont la liste
circule depuis plusieurs mois.
La cible censée être la plus facile, l’Irak, est déjà l’objet de sérieuses dissensions , et l’on voit très bien que “ le monde ” ne va pas donner la succession de blanc-seing escomptés. L’échec ici ne se situe pas seulement au niveau des populations dont on savait très bien ,en particulier dans le tiers-monde et malgré les propagandes officielles, les sentiments réels, mais aussi au niveau des élites dirigeantes dont les intérêts personnels ne coïncident pas toujours avec ceux des putschistes. Ni la carotte ni le bâton occidentaux, ne sont suffisants à maintenir l’illusion de la cohésion au delà de quelques mois, de Gaza au Zimbabwe en passant par la Turquie la Jordanie ou les Philippines , une succession de faits plus ou moins significatifs montre que la toute puissance de l’Occident en 2002 n’est pas, au grand dam de ce dernier, celle de 1902.
Il
n’est pas impossible que cette énième opération post-coloniale ne débouche
en fait sur un renouveau ,une résurrection,
de tentatives d’indépendance du Sud vis-à-vis du Nord. Même si l’on en
parle peu en France, il est intéressant à cet égard d’observer la grande
agitation de l’Angleterre confrontée à la question du Zimbabwe et aux réactions
de certains pays africains comme l’Afrique du Sud.
Les opportunismes locaux, dont l’Occident à toujours su jouer avec une
certaine dextérité , ne sont pas ,ou plus, totalement maîtrisables, comme par
exemple la situation entre l’Inde et le Pakistan le montre.
Une
faiblesse de la “ guerre contre la terreur ”, est que , comme
toute opération coloniale, son discours justificateur ne peut, dans le meilleur
des cas, que convaincre une partie seulement du public : celui des métropoles
coloniales et quelques couches aisées des colonisés.
A ceci il faut ajouter que l’aspect enfantin de la propagande
putschiste ne peut avoir d’impact
intellectuel que sur les cerveaux
conditionnés des occidentaux, et encore une partie seulement de ceux-ci. Il
n’y a qu’en Occident ou on “ croit ” vraiment, en particulier
chez les esclaves de gauche. Dans le Sud, n’importe quel analphabète n’a
aucun mal à décrypter les vraies intentions de l’Occident,
la “ lutte contre la terreur ” ,comme justification, n’a
d’efficacité qu’auprès d’une partie de l’Occident “ éduqué ”
, à savoir justement les populations les plus endoctrinées et manipulées de
la planète.
Clairvoyance
et sens logique du paysan africain ou asiatique , voilà qui pourrait nous inquiéter
quant à l’avenir de l’Occident en pensant à la supériorité incontestable
des démocraties du Nord en matière de propagande : sommes-nous encore en
mesure d’ouvrir les yeux ? Et la aussi, ce coup d’état mondial s’avère
déjà un échec : certains s’y opposent et, pire encore peut-être,
l’ignorent.
Les
putschistes, tous des blancs appartenant au camp, “ droites ” et
“ gauches ” confondues, des défenseurs inconditionnels du
capitalisme mondial , sont également des croyants fervents, plus ou moins avoués,
en la supériorité de(s) civilisation(s) occidentale(s). Leur tendance “ naturelle ”
est de mépriser le Sud en tant que source potentielle de changement ou d’évolution,
leur préoccupation instinctive se trouve au Nord. Qu’il soit inspiré par
dieu , le dollar, ou par un quelconque “ humanisme ”
dévoyé , l’Occidental se moque bien, en fait, de ce que vit et pense
un “ citoyen ” du Sud, ce qui l’inquiète ce sont ses congénères.
Bien
avant le 11 Septembre, toutes les élites occidentales , de droite et de gauche,
ont compris que, pour la première fois en presque un quart de siècle, il y
avait un risque que le consensus pro-capitaliste se fissure. Tous les stratèges
du capital, même les plus aveugles, savent très bien que lorsque les rues des
grandes villes Occidentales commencent à se garnir de processions aux effectifs
conséquents et croissants, il y a là le début de quelque chose qu’il
convient d’arrêter par tous les moyens possibles. La notion de “ moyens
possibles ” en l’occurrence se résumant simplement à toute action
dont l’on estime que les bénéfices seront supérieurs aux inconvénients. Le
cynisme de la répression n’a jamais été aussi frappant depuis plus de 25
ans. L’endoctrinement de la propagande démocratico-capitaliste étant en
passe d’interrompre ses effets, l’on hésite pas une seconde sur la tactique
à suivre : ce sont les matraques et les gaz que l’on sort.
Une
guerre, une grande guerre, étalée sur le temps, avec des motifs “ nobles ”,
c’était une bonne idée aussi. Engagé dans la lutte “ contre la
terreur ”, le jeune occidental n’oserait peut-être pas trahir son camp
, le poignarder dans le dos, en continuant à taquiner le sacro-saint capital.
Barcelone a prouvé, si besoin était, que la aussi il y a échec des
putschistes. Pourtant tout avait été
prévu : la guerre bat son plein, les gauches occidentales s’activent
pour anéantir le mouvement , les outils de la propagande ont mis une chape de
plomb sur toutes les activités anti-guerre et antiglobalisation, et bien rien
n’y fait, ca continue ! La
catastrophe serait complète si par malheur un grand mouvement pacifiste voyait
le jour en Occident. L’on peut raisonnablement estimer que si les opérations
s’étendaient à plusieurs pays et s’étalaient trop dans le temps, nous
verrions une montée progressive du pacifisme et, plus grave encore pour nos
putschistes, une remise en cause du rôle de l’Occident dans le monde. Le
consensus guerrier est mou , très mou, malgré l’immense manipulation des médias
et autres instituts de sondages, tout le monde le sait, peu de gens le disent.
Les
putschistes avaient probablement pensé aussi à ça et décidé de mettre la
barre très haut afin que des actions inférieures à celles annoncées soient
perçues comme modérées et raisonnables. La aussi , les inconvénients
risquent d’être supérieurs aux avantages, et la réalité de ce qu’il sera
possible de faire risque d’être
bien inférieure au minimum “ secrètement ” prévu.
Puisqu’on
parle guerre, parlons de ses fonctionnaires : les militaires. Les
putschistes veulent poursuivre la grande œuvre de réhabilitation de la caste
militaire, entreprise officiellement lancée lors de la guerre du Golfe et
patiemment poursuivie depuis, en particulier pendant tous les conflits de
l’ex-Yougoslavie. La “ décolonisation ”
et les années 60 avaient quelque peu relégué le guerrier dans l’ombre, un léger
discrédit mêlé d’oubli caractérisait la perception de ce dernier par la
“ société ”. Le militaire est revenu, et on le voit , on
l’entend, on l’écoute. Or, si avant les opérations afghanes, on pouvait
parler de relatif succès de ce volet de la réaction conservatrice- le jeune
français n’a-t-il pas appris à aimer son soldat “ humanitaire ” ?-
on peut penser que là aussi risque de s’opérer un renversement de tendance.
Les spécialistes de l’endoctrinement militariste de masse que sont les américains,
aidés par leurs relais sophistiqués de “ gauche ”, risquent bien
d’avoir atteint leurs limites en matière d’efficacité : on voit trop
de képis, on les entend trop. A force de les voir et de les entendre, et plus
uniquement dans les films mais dans la réalité, et bien on redécouvre petit
à petit ce qu’ils sont vraiment : des gens payés pour tuer et non des
infirmiers à seringue ou des distributeurs de sacs de riz. Même aux USA, ou le
bon peuple est dans un état de suprême intoxication,
la perplexité revient, le doute s’installe. De là à dire que les rues de
Washington vont se garnir de cortèges d’anciens combattants du Golfe ou
d’ailleurs reconvertis dans le pacifisme, il y a un pas que l’on ne
franchira pas, mais le sommet de la colline est probablement atteint. Même en
France, et malgré tous les efforts militaristes de la gauche depuis 20 ans, on
préfère ne pas trop montrer nos valeureux soldats à l’œuvre, on n’est
plus au temps de la glorieuse division Daguet qui traversait les sables Irakiens
sous les hourras des spectateurs de
Lyon et de Marseille. Et regardons les italiens qui, malgré les énergies
conjuguées des gauches et des droites pendant les années 90, ont si bien résisté
aux attraits de l’uniforme que le malheureux Berlusconi et ses alliés
fascistes sont obligés de freiner leurs élans mussoliniens :
l’Afghanistan n’est pas L’Ethiopie.
Presque pionniers en matière de réhabilitation du militarisme en Europe
avec leurs convois maritimes en route vers les Malouines, les anglais sont
toujours un solide relais de la propagande impérialiste américaine, mais
chez eux aussi le doute point
à l’horizon, au point que même la BBC se fait, toute proportions gardées,
discrète sur les départs de troupes : la rue est sensible.
Un
autre effet secondaire non négligeable sur le long terme , c’est l’impact
de tout cela dans le Sud. Un minimum de bon sens suffit pour prédire que dans
le Sud les esprits seront encore plus remontés qu’avant contre le Nord ,
en particulier contre sa caserne nord-américaine, et que même les élites
locales, pour lesquelles chacun sait que comme toutes les élites du monde seule
la survie et la reproduction compte, ne
pourrons pas toujours mettre les pieds de chaque coté dans leurs parties d’équilibristes.
Quelle
carte reste-t-il à jouer pour nos golpistes ?
La violence, en partie, militaire et policière, mais elle ne fera
qu’un temps et elle est en fait trop risquée . L’objectif réel étant
la perpétuation du capitalisme et de son système de domination transversal, le
vrai atout dans la manche ce sont les gauches Occidentales. Ces dernières sont
pour la plupart mises en réserve, six mois de silence total pour les démocrates
US par exemple, un parti travailliste qui se prépare à toutes les éventualités,
une gauche française à l’avant-garde de
l’hypocrisie élaborée, bref, le tableau est déjà éloquent, et en six mois
seulement.
Un
échec total des putschistes passerait par un échec total des gauches à rééquilibrer,
et il est beaucoup trop tôt pour faire
des prédictions à peu près fiables à ce sujet. Le “ retour dans
le rang ” d’un Mugabe ou
d’un conseil Argentin sont aussi difficiles à prévoir avec précision que
celui d’une gauche italienne en quête de pouvoir. Un drapeau blanc
palestinien serait une aide précieuse pour nos putschistes: on donnerait son
aval à presque n’importe quoi puisqu’on sait qu’on pourra toujours
revenir dessus à tout moment et faire traîner à loisir, mais la aussi
beaucoup d’incertitudes.
Si la mitraillette parle à Kaboul et la matraque à Barcelone, c’est aussi parce que la propagande est encore en phase d’adaptation. D’ailleurs la preuve de son immaturité est donnée , aussi bien sur le terrain de la guerre que sur celui de l’antiglobalisation , par son extrême simplicité, son coté enfantin justement, “ dieu nous guide ”, “ le marché est bon ”, “ la guerre contre la terreur ”.
La
sophistication de la propagande capitaliste étant depuis toujours la tache des
“ gauches ”, les conservateurs officiels attendent que ces dernières
arrivent à trouver le discours qui fera franchir au capital mondialisé , perpétuel
conquérant, cette nouvelle étape. De ce coté, ca patine un peu pour le
moment, on est pour “ la guerre pour la paix ” , à moitié contre
la globalisation tout en la gérant et en la promouvant au quotidien. Ca sent
trop la tactique, on y croit pas, il faut attendre encore un peu pour que ca
s’affine. Toujours à l’écoute de la rue, on sait faire à “ gauche ”.
Quel allié pour les putschistes que ce Blair, à croire que son rôle est
uniquement de faire passer les gauches françaises ou italiennes pour de vraies
gauches : un vrai épouvantail sur mesure.
Mais en Angleterre certains commencent à avoir des doutes. Avec beaucoup
d’optimisme on pourrait même se demander si, au moment même ou l’Occident
semblait destiné à cette mort définitive de la politique qu’est le
bipartisme à l’Anglo-saxonne , et bien ce n’est pas aux origines même du
mal que l’édifice va se fissurer. Le silence des démocrates US
pourrait aussi être compris comme ça, ca donne
une raison de plus pour ne pas faire d’erreur.
Il
faut cependant souligner un gros avantage qu’ont
nos putschistes : leur tentative de putsch n’est pas reconnue
comme telle, et donc, même en cas de désastre, ils n’auront à
subir aucune conséquence réelle. Ainsi par exemple nous ne sommes pas
encore arrivés au jour ou l’on remettra sérieusement en question le sens de
la présence d’armées blanches dans le tiers-monde, et le passé colonial de
l’Occident, la philosophie qu’il implique, sont trop proches et trop imprégnés
dans nos gènes pour que le vrai dégoût, le vrai refus, ne dépasse quelques
poignées d’individus. Ca, les putschistes le savent bien, ils savent qu’un
soldat blanc dans le tiers-monde ca ne choque personne ou presque, le tout est
de savoir le présenter de façon adaptée aux temps….
Contradiction
apparente donc, entre un monde occidental ou l’on n’accepte plus le
colonialisme mais ou l’on ne comprend pas qu’un soldat français ou
britannique n’a rien à faire en Orient ou en Afrique. Il faut donc en
permanence manipuler. Mais n’est-ce pas ce que l’on à toujours fait en matière
de colonialisme ? Même au 19ème
siècle une expédition coloniale était toujours accompagnée de propagande
visant, en définitive, à faire croire que ce n’était pas une opération
coloniale….. Pacifier, aider,
secourir, stabiliser, coopérer, elle est connue la liste des beaux mots avec
lesquels le capital armé perpétue son emprise mondiale depuis des siècles…
Restent
les tactiques locales, et la aussi on peut parler d’un quasi-échec. Le cas le
plus intéressant, presque tragiquement comique, est celui de l’Italie avec
son recours à la “ stratégie de la tension ”, qui date de plus
de 20 ans, et avec laquelle on espère réitérer les beaux succès obtenus face
aux mouvements des années 70. Au moment de Gênes ca dynamitait à Venise, et
on assassine à Bologne à la veille de Rome. La “ terreur ”,à défaut
d’en avoir une, on en crée une de toute pièces , dans l’espoir de faire
coup double. Manque d’imagination des putschistes transalpins ?
Localement,
du pays Basque jusqu’au XinJiang on pensait bien en profiter pour faire un peu
de nettoyage, et on avait commencé à le faire, mais déjà la frénésie répressive
s’enraye, les inconvénients sont trop grands, les limites étaient déjà
atteintes. Le Putsch c’était
aussi l’espoir de faire reculer les limites du possible, de l’acceptable.
Allumer les projecteurs pourrait bien se retourner contre les éclairagistes
car l’on ne voit pas toujours ce que l’on voudrait nous faire voir. Les
palestiniens l’ont compris : ils tentent, encore une fois, leur chance.
Et
dieu ? En proclamant leur inspiration divine ,quel service les putschistes
n’ont-ils pas rendu à ceux qui les combattent !
Excellente occasion de réanimer une lutte que beaucoup, dans leur naïveté,
supposaient gagnée de longue date. Il fallait une prise de conscience, et elle
a, en partie, eu lieu. Dans l’épicentre américain, l’athéisme se réveille,
et même en Italie ,ou on l’avait un peu oubliée, la religion,
dans un moment de lucidité Rome à décidé de ne pas imiter
Washington, les calottes restent dans l’ombre, et malgré cela on sent
une vigilance, une inquiétude.
Le
conservatisme avait remarquablement géré les 20 dernières années, il avait
su être partout tout en restant invisible aux yeux de l’esclave, et le voilà
maintenant obligé de se dévoiler , et la compréhension de son omniprésence
est de moins en moins le “ privilège ” d ‘“ avant
gardes ” éclairées et autres contestataires patentés.
Les putschistes vont grandement contribuer au regroupement des luttes ,
à leur recentrage, trop de voiles sont tombés.
Renaissance
des luttes en Occident, résurrection des tentatives d’émancipation dans le
tiers-monde : les putschistes du capital sont-ils pour autant à bout de
souffle ?
Certainement
pas, et ceci non seulement à cause des gauches qui n’ont pas encore joué
leur rôle, mais aussi parce que le
pouvoir quasi absolu que confère la maîtrise de l’économie, des armes, et
de la propagande, laisse encore de nombreuses possibilités de réaction et de
manipulation. A la force brute légitimée par cet attentat survenu, étonnamment,
à un moment clé de l’Histoire, s’ajoutent de nombreuses tactiques
possibles. L’économie, dont les troubles n’ont jamais cessés
depuis la crise financière asiatique
de 1997 qui marqua la fin des “ Quinze glorieuses ”, peut, à tout
moment, servir aussi d’extincteur social et politique.
Se
serrer la ceinture, la solidarité dans l’austérité, ces vieilles rengaines
qui ont fait les beaux jours de toutes les droites comme de toutes les gauches,
peuvent être sorties du chapeau à tout instant,
faits et diagrammes à l’appui, pour
venir prêter main forte à la “ menace
terroriste ” afin obtenir la servilité accrue de l’esclave.
Mais les putschistes n’en useront qu’avec parcimonie, déléguant le
plus possible l’usage de cet atout aux “ gauches ” planétaires.
Ils savent d’ailleurs fort bien que temporairement cette carte est usée
puisque les jeunes, pourtant nés et vivant en “ crise ”
perpétuelle semblent avoir pour certains décidé qu’abondance il y a
et qu’elle est suffisante pour envisager l’impensable : la répartition
des richesses et les atteintes au profit.
Il
est facile, lorsque l’on est révolutionnaire, de se plaindre, de gémir sur
les “ absences de perspectives ”, et de ne voir que des verres à
moitié vide, or les putschistes, eux, savent qu’ils sont aussi à moitié
pleins et qu’il convient donc de les vider au plus vite. Le golpe et son
semi-echec annoncé ne sont pleinement appréciables que si l’on établi une période
de référence, et celle du dernier quart de siècle sera le premier choix, pour
les uns comme pour les autres.
Le
pacifisme et l’antimilitarisme , même s’il faudrait
savoir en user plus intelligemment, ne sont pas à l’heure actuelle les
combats prioritaires sur lesquels il faut se focaliser, tout en restant
cependant une constante à développer patiemment. Les temps ne sont pas murs
pour se centrer exclusivement sur l’antimilitarisme , et un combat pour la
paix peut vite avoir l’herbe coupée sous le pied, par la paix justement. Ceci
n’étant pas contradictoire avec le fait qu’il faudrait que les
antimilitaristes sachent aussi
mieux “ profiter ” de cette guerre , mais c’est un peu un
détail en ce que ça ne concerne que l’avenir proche de certains mouvements
politiques .
De
Rome à Barcelone, la rue a su résister au piège de la guerre, et ce que les
putschistes pourraient interpréter comme une réussite est en fait un échec
aussi.
Tous
les combats sur le front économique et social sont
essentiels, et il serait bon même de faire l’effort d’anticiper sur
les réactions de l’adversaire. Etant connues et temporairement en perte de
vitesse, les armes économiques des putschistes sont et seront encore pour “ un
certain temps ” leur point faible. Du Chiapas à l’Argentine en passant
, et pourquoi pas après tout, par Arlette et ses 10% annoncés, nous vivons une
inversion de tendance, et le putsch n’est qu’une misérable tentative de Mai
68 du Capital, ce sont les ligues qui marchent, ou plutôt ne marchent pas, sur
l’assemblée : elles n’y arriverons jamais et ne ferons que creuser le
lit du front populaire. Optimisme indécent ? Non, simple constat d’une réalité,
mais d’une réalité aux lendemains incertains. Toutes les critiques adressées
par les “ révolutionnaires ” au peuple de Gênes et de Barcelone
sont sûrement justifiées, et le scepticisme le plus total à l’égard des
convulsions , islamiques ou non, du Sud, l’est aussi, mais un fait demeure :
l’ordre du capital est quelque peu menacé, inquiet, la preuve : il fait
des putsch et il les rate !
Mais
ce que nous savons aussi, c’est que la domination saura
gérer ses difficultés, le capital en a vu d’autres, la normalité
sera rétablie, avec toujours l’espoir d’un petit déplacement à “ droite ”
supplémentaire, comme si on y était pas déjà assez, à “ droite ”!
– probablement déguisé en déplacement à gauche. Le plus important pour le
moment est d’ignorer ce putsch minable, ou, mieux encore, d’en profiter, et
c’est précisément ce qui se passe dans un certain nombre d’endroits , y
compris, et c’est bien la meilleure surprise, en Occident.
Erick
Mars
2002